En 2013, on se réunit autour d’un café serré et de succulentes pâtisseries, c’est qu’on a de l’appétit dans le Darouri. Une même envie rassemble les actrices, autrices et metteuses en scène que nous sommes : créer de nouveaux récits en constituant nos propres équipes. Le répertoire théâtral francophone ne regorge pas de rôles féminins complexes et renversants, alors autant s’inventer nos partitions en prenant soin les unes des autres, ainsi que des relations avec nos publics. Un travail de médiation sensible et pointu accompagne chacune de nos créations.
En 2016, MYZO ! de Camille Husson ouvre le bal. Un an avant MeToo, ce spectacle pour ados donne lieu à des débats passionnés et passionnants et obtient le label d’Utilité Publique. Sur fond de Motion Comic, le récit retrace avec humour et impertinence le parcours de femmes méconnues ayant marqué l’Histoire. ROBIN & MARION écrit par Étienne Lepage, second spectacle pour ados créé en 2019, passe au crible les confusions entre désir amoureux et attraction physique. Au plateau, un dispositif quadrifrontal permet les joies de la proximité avec les publics, une installation sonore centrale rythme le spectacle. Le seule-en-scène SEXPLAY Nos Panthères Nos Joyaux de Camille Husson – co mise-en-scène Marion Lory, voit le jour en 2020 et décroche à nouveau le label Impact. Cette ode au plaisir et à la découverte questionne nos imaginaires érotiques par la voie de l’autofiction. Le plateau quasi nu se pare d’un astucieux assemblage de néons, la précision de la langue et la partition sonore invitent à l’exploration de soi. A venir, une troisième création originale, J’AI LES BLEUS DE L’ORAGE de Line Guellati, qui dévoile au plateau l’exclusion et la désocialisation des personnes dites psychotiques, ainsi que le désœuvrement des aidant.es proches; le verbe fait résonner des expériences de vie uniques où dissociation et déréalisation se côtoient, l’espace se peuple de toiles bleues, suspendues comme des voiles caressées par l’orage.
Le Darouri Express c’est aussi des ateliers spécifiques en partenariat avec des écoles, des espaces citoyens et AMO, des centres culturels ou des cinémas, des maisons de retraite et centre pédopsychiatrique. Débordant de l’édifice qui lui est normalement destiné, notre théâtre s’infiltre bien souvent par d’autres portes, comme celles des musées, des bibliothèques et des studios de radio. Des fois il n’y a même plus de portes à tel point qu’on crée en plein air, dans les montagnes amazigh avec des artistes marocain.e.s, dans la campagne luxembourgeoise en fées déglinguées et dans les terrils carolo en Boucles Noires néogothiques. C’est qu’on est aussi des femmes de terroir et que le contact brut avec le public, en lien avec les éléments naturels, ça nous botte. D’ailleurs, si le Darouri Express était un animal, il pourrait être un bélier ou une renarde, à la rigueur un lézard. Irrévérencieux et généreux, pétillant et mordant, le Darouri Express est en quelque sorte… inclassable.